Cette étrange tendresse

Extrait :
Quand les deux visiteurs avaient été introduits dans le vestibule par le
domestique noir, celui-ci s’était incliné sans dire un mot, avant de les
précéder dans l’escalier. Ils l’avaient suivi, sachant qu’ils étaient attendus et
qu’ils n’avaient aucune question à poser à un serviteur : le cérémonial,
institué depuis longtemps dans l’hôtel particulier, devait l’exiger. Arrivés au
premier étage, ils étaient entrés dans le grand salon dont la porte s’était
refermée : le noir avait disparu. Les visiteurs n’avaient plus eu qu’à
attendre. Mais l’un et l’autre éprouvèrent secrètement une étrange
impression de malaise.
Le décor était cependant admirable. Les boiseries anciennes
s’harmonisaient avec le mobilier. Chaque objet était à sa place : on n’aurait
pu en imaginer un autre au même endroit. L’immense tapisserie des Ateliers
de Paris, ancêtres des Gobelins, qui ornait le mur « côté jardin » – les
visiteurs ne venaient-ils pas de pénétrer chez un homme de théâtre ? – était
belle ; la collection des Chardin, décorant le mur « côté cour », était rare.
Les « Chine » des vitrines, qui encadraient les deux fenêtres, étaient d’une
époque antérieure à l’antique dynastie des Ming. Les tapis, recouvrant la
moquette grise, étaient de Perse. Tout était choisi… Mais une tristesse
solennelle se dégageait de l’ensemble. Il n’y avait pas de fleurs. Si l’on
n’apercevait pas le moindre grain de poussière sur les guéridons, on n’y
trouvait pas non plus ces quelques indices de désordre qui prouvent qu’une
demeure est douillettement habitée.
Format : PDF
Taille : 2 MB
Langue : français

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