L’Art de bien choisir ses amis
Extrait :
Quel fut votre premier grand choc littéraire ? Que pouvez-vous nous
en dire ?
Le Lion, de Kessel. Je venais d’avoir dix ans. J’en avais terminé la lecture en
pleurant, et je me souviens que dans le même temps j’étais en colère : cela
n’aurait pas dû se passer ainsi, le lion n’aurait pas dû mourir – d’ailleurs
non, il n’était pas mort, c’était impossible. Pour me le prouver je feuilletais
les pages et relisais celles du début, du milieu, comme pour remonter le
temps et trouver du réconfort dans un passé heureux, vierge des douleurs à
venir. Je ne l’ai pas relu depuis. Et le lion n’est toujours pas mort.
Quel classique aimiez-vous à vingt ans ?
À vingt ans, je ne lisais pas. Mais il en est un dont j’avais toujours le
souvenir diffus, qui à treize ou quatorze ans m’avait troublé sans que je l’aie
relu pourtant, ce que je n’ai fait que très récemment, pour constater qu’il
n’avait rien perdu de son pouvoir de fascination sur moi, c’est Le Grand
Meaulnes.
Celui que vous gardez toujours à portée de main ?
Cioran. Je me suis souvent demandé si, pour un auteur, la notion de
« classique » dépendait de l’époque, du style, du fait qu’on l’étudie à l’école,
ou des trois. Il me semble que, si on peut considérer Cioran comme un
classique, ce n’est bien entendu pas une question d’époque, ni parce qu’on l’étudierait en classe, puisque je crois que ce n’est pas le cas
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