Extrait :
(Non, ce n’était pas un burnous. Non, ce n’était pas un caftan. Non, ce n’était
pas une djellaba. Non, ce n’était pas une culotte de zouave. Non, ce n’était pas
un tchador — nippes de femme.) Non, ce n’était pas une abaya (guenille
saoudienne). Non, ce n’était pas un truc de Touareg. Non, ce n’était pas un
burnous (déjà dit). Non, ce n’était pas un kabbot’ de goumier (portaient capote,
les goumiers ?). Non, ce n’était pas tout ça. Puisqu’on vous dit que c’était un
costume. (Européen.)
Le dimanche était le jour de monsieur Didi. Levé aux aurores, il se lavait,
s’astiquait, se rasait jusqu’à la quatrième peau, tout en gardant un œil sur le
costume, qu’il avait étendu sur le lit avec mille précautions et beaucoup
d’amour. Sa vieille mère, qui vivait avec lui, n’avait pas le droit de toucher au
chef-d’œuvre sartorial. Des chats furent étranglés jadis qui d’une griffe avaient
approché ledit. Des petites bonnes renvoyées, des amis reniés. Ah, on ne
plaisante pas avec la garde-robe !
Didi donc, très propre, s’insère dans le vêtement, contorsionniste, Houdini
tout nu. Il s’agit d’éviter la tache traîtresse, le froissement importun ou le poil de
tique intempestif. Un coup d’œil dans le miroir, le miroir chante, le miroir
roucoule. Tant de beauté dans l’habillement, mon Dieu, tant de tenue dans la
tenue… Didi descend les escaliers droit comme un alif, concentré à l’extrême. Il
pousse de l’index replié la porte et la porte s’ouvre, vaincue. Apparaît monsieur
Didi qui du pied droit passe le seuil (comme le recommande le Prophète) et
entame ainsi sa promenade dominicale dans les rues de Khouribga, qui ne
connaîtront jamais plus, hélas, cette splendeur ambulante.
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