Extrait :
C’était une froide journée de février, nous achevions notre première visite
auprès des deux amants les plus célèbres d’Afghanistan et nous dirigions vers un
semblant d’aéroport, celui de la ville de Bâmiyân – une large piste en gravier
face aux falaises majestueuses creusées de hautes cavités verticales qui abritaient
jadis les trois Grands Bouddhas. Une clôture grillagée protégeait quelques
conteneurs de fret, l’un d’eux tenant lieu de salle d’attente, et l’autre de bureau
pour l’administration de l’aéroport. Les Nations unies et une compagnie aérienne
privée afghane, East Horizon Airlines, qui exploitait des turbopropulseurs russes
hors d’âge, ne desservant cette destination que deux fois par semaine, il n’était
pas très utile d’y déployer une véritable infrastructure. Je me souviens de m’être
assis dans ce conteneur aménagé en salle d’attente en me blottissant tout près
d’un boukhari, le poêle à bois, copeaux de bois, charbon ou fuel, tâchant de me
réchauffer alors que je rédigeais pour le New York Times mon tout premier
article consacré aux amants. Quelle belle histoire, me disais-je, si triste, et dont
les suites évoquaient la chronique d’une mort annoncée. Je m’attendais à ce que
mon prochain et dernier article relate de quelle manière la famille de la jeune
fille était venue une nuit la traîner hors de son refuge, et elle, sous l’emprise de
la solitude et du désespoir, ou poussée par une volonté malencontreuse de croire
les promesses de son frère, imitait l’exemple de tant d’autres jeunes filles
afghanes quittant leur refuge pour retourner dans leur famille, s’imaginant
qu’elles y seraient en sécurité, et personne ne les revoyait plus jamais vivantes.
Nous en serions tous outragés, et puis nous tournerions la page.
Format : pdf
Taille : 3 MB
Langue : français
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