Extrait :
JE M’APPELLE MARIA. J’ai onze ans. Pour la première fois depuis la rentrée, en gravissant les marches de la cage d’escalier qui donne accès aux étages du collège Elsa Triolet, je me suis sentie légère. La légèreté est une sensation nouvelle pour moi. Je suis plutôt habituée à la pesanteur et à la lourdeur. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours entendu parler de moi avec une référence à la grosseur. Sans l’aide des autres, peut-être ne me serais-je jamais rendu compte que je suis grosse. J’ai honte de ce corps encombrant qui attire les regards et les moqueries comme l’aimant attire la limaille, une limaille coupante qui entame mes chairs et ne m’accorde aucun répit. Je ne dois jamais relâcher ma vigilance sous peine de me laisser surprendre. Un moment d’inattention et les mots qui pourraient n’entailler que la surface de ma peau se fraient un chemin jusqu’au plus profond de mon être, mettant mon âme en charpie. J’ai appris à éviter les regards, à m’éloigner des autres pour ne pas entendre ce qu’ils disent de moi.
En arrivant devant la salle de musique, mon cœur s’accélère sous l’effet de l’excitation. J’ai tellement attendu ce moment… Je pose mon cartable contre le mur et je regarde à travers la fenêtre. Mes yeux s’arrêtent sur le piano droit, silencieux, plein de promesses. Lors du dernier cours de musique, Monsieur Loiselet, le professeur, a parlé de la chorale des classes de 6 en disant qu’il avait besoin de volontaires.
Format : pdf
Taille : 3 Mb
Langue : français
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