Extrait :

Ça fait des années, plus exactement des dizaines d’années,

presque une vie, que je pratique l’art de vivre au maximum

avec le minimum et ces derniers temps j’ai intensifié la

chose. Ce qui signifie que, quand j’ai entre mon pouce et

mon index une pièce d’un euro, avec cette pièce en nickel

ourlée de cuivre frappée de l’emblème du pays, j’en double

la valeur ou je la multiplie par trois ou par cinq, voire par

dix ; selon les circonstances. Je n’achète jamais au prix que

coûte l’objet, jamais.

Mon raisonnement est simple et bien calculé précisément

parce qu’il est simple et qu’il échappe à toute logique. Ce

que je dis n’est pas une théorie, c’est ce que je pratique

chaque jour. L’économie calculée, le pouvoir doublé ou

comme je viens de le dire parfois décuplé ou multiplié

par un chiffre si élevé par rapport à mon avoir, qu’il frôle

l’abstraction ou le blasphème.

Je pratique la multiplication de l’euro comme un

faussaire tout en restant dans la plus stricte légalité. Je dis

un faussaire parce que je frôle parfois l’extorsion de fond.

C’est-à-dire qu’entre ce que j’achète et ce que je donne, il

y a une telle disproportion que j’ai plutôt l’impression de

voler plutôt que de payer, ce sur quoi je vais m’expliquer,

étant donné l’étrangeté de ce principe.