Extrait :
Par la suite, elle avait appris que Johnson l’avait choisie en personne, l’avait désignée parmi
tous les candidats, contre l’avis de Gary Curst – il allait falloir s’y habituer, Gary Curst ne l’aimait
pas, ou alors il l’aimait trop, il était peut-être jaloux, ou bien la désirait, qu’importe, il se
montrerait hostile en toutes circonstances, gratuitement, irrémédiablement. Sarah les connaissait,
ces hommes ambitieux qui détestaient les femmes, se sentaient menacés par elles, elle les côtoyait
mais n’en faisait que peu de cas. Elle traçait son chemin, les laissant sur le bas-côté. ChezJohnson
& Lockwood, elle avait gravi les échelons à la vitesse d’un cheval lancé au galop, se forgeant une
solide réputation en cour de justice. Le tribunal était son arène, son territoire, son colisée.
Lorsqu’elle y pénétrait, elle devenait une guerrière, une combattante, intraitable, impitoyable. Pour
plaider, elle prenait une voix légèrement différente de la sienne, plus grave, plus solennelle. Elle
s’exprimait par phrases courtes, incisives, tranchantes comme des uppercuts. Elle laissait ses
adversaires KO, s’engouffrant dans la moindre faille, la moindre faiblesse de leur argumentaire.
Elle connaissait par cœur ses dossiers. Elle ne se laissait pas démonter, et ne perdait jamais la
face. Depuis qu’elle avait commencé à exercer, dans ce petit cabinet de la rue Winston qui l’avait
embauchée après son diplôme du barreau, elle avait gagné la très grande majorité de ses affaires.