Extrait :
Il traversait, comme il était le seul à le faire trois fois par semaine depuis
près d’un demi-siècle, la Galerie Marchande après avoir tourné en rond
dans la Salle des Pas-Perdus. Il prétendait que cette promenade, dont il
n’aurait pu se passer, lui permettait de « respirer le bon air du Palais », Tout,
depuis sa démarche traînante jusqu’à cette façon très particulière qu’il
avait – lorsqu’il croisait un confrère – de pincer sa robe du bout des doigts
pour esquisser une vague révérence, indiquait en lui la routine. Les lundis,
mercredis et vendredis, à une heure de l’après-midi très exactement, on
pouvait le voir gravir les marches du grand escalier extérieur donnant sur le
boulevard du Palais et se diriger, sans prêter attention à qui que ce fût, vers
le vestiaire des avocats.
Là il abandonnait presque à regret son chapeau melon en hiver et son
canotier de paille jauni à la belle saison pour recouvrir son chef d’une toque
usagée qu’il plaçait très en arrière sur son crâne pour cacher sa nuque
dégarnie. Ainsi coiffé, il endossait une toge élimée, sur laquelle
n’apparaissait ni Légion d’Honneur ni tout autre bout de ruban, sans
prendre même la peine de retirer sa jaquette verdie. Ce double vêtement lui
prêtait alors une corpulence qu’il était loin d’avoir dans la réalité
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