Extrait :
L’expression est souvent « raconter des histoires » accompagnée d’une
connotation péjorative ; elle se comprend alors comme blaguer, mentir,
énoncer des choses qui ne sont pas vraies. Ce n’est pas ce sens-là dont il
est question dans les pages qui suivent.
En tant que psychologue, je suis habitué à entendre des histoires.
Régulièrement, des personnes prennent rendez-vous avec moi pour me
raconter des tranches de leur vie, c’est-à-dire leurs histoires. J’utilise par
conséquent le mot « histoires » avec une bienveillance toute particulière,
sans aucune connotation péjorative. Le mot « histoire » s’impose, non
pas que ces paroles procèdent d’une quelconque fiction ou que l’on
veuille mettre en doute la bonne foi des consultants, mais ces narrations
empruntent le plus souvent la forme du récit : commencement, intrigue,
dénouement, fin. Il y a des personnages principaux – le narrateur en fait
presque obligatoirement partie –, des caractères secondaires, des faire-
valoir, des décors, du suspens. Surtout, ces récits structurent les
événements vécus et leur donnent un sens.
Les personnes qui consultent les psychologues racontent habituellement
des histoires de souffrance : les enfants n’étaient pas désirés, les pères
n’étaient pas présents, les mères négligentes, les beaux-parents
maltraitants, les amis fourbes et intéressés, les collègues envieux, les
partenaires amoureux profiteurs, les conjoints trompeurs. L’art du
thérapeute consiste alors à aider à reconstruire une nouvelle histoire,
basée sur le même socle de réalité, les mêmes faits attestés, mais avec un
scénario quelque peu différent et une issue un peu moins douloureuse. Ou
un peu plus heureuse.
Les personnes malheureuses ne sont pas les seules à se raconter des
histoires. Cette prérogative échoit à tout être humain
Format : pdf
Taille : 3 MB
Langue : français
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