Mon patient Sigmund Freud

Extrait :

Ici, au Burundi, le soleil se lève à 6 h 15 et se couche à 18 h 20 – tous les jours que Dieu fait, tous les mois de l’année. Ici, à Bujumbura, il ne fait jamais moins de 22 ; jamais plus de 28°. Il n’y a ni hiver ni été, ni saison, ni raison. Hier, ils ont encore tiré. Qui ? Le saura-t-on ? Les rebelles ? L’armée ? Certainement les deux ; sans compter les voleurs, et d’autres aussi parmi les innombrables détenteurs d’armes à feu qui, profitant du désordre, lâchent des rafales vers le ciel pour vérifier l’état de leur mitraillette. Là-haut, sur la colline, à Kiriri, le quartier que j’habite depuis maintenant un an, les kalachnikovs ont crépité durant deux heures la nuit dernière, flûtes enchantant le ciel de balles traçantes rouge fluo. Ce drôle de chant était scandé par des explosions de grenades et même quelques tirs de roquettes, reconnaissables à leur long sifflement d’angoisse avant l’explosion. Ce matin, Emmanuel m’a dit qu’il s’était inquiété pour moi. Jacques lui avait parlé des explosions dans mon quartier. Il est vrai que, cette fois, j’ai eu vraiment peur. Vers 2 h 30, une explosion plus forte que les autres a fait trembler les murs de ma maison. J’apprendrai tout à l’heure que le projectile est tombé sur la voiture de l’ambassadeur de Chine, à quelques maisons de la mienne. Le véhicule a littéralement explosé, ses entrailles fumantes exposées à la lune. Ce matin, les discussions vont bon train au bureau : « Ils visaient sans doute la maison du Président… » « Ou bien la résidence de l’ambassadeur des États-Unis… » « Ils tirent si mal, mais c’est dangereux, tout de même ; on a vite fait de croiser une balle perdue… » Je ne me sens pourtant pas en danger ici, quoiqu’il plane sur la ville comme la menace d’un drame imminent… Et l’on ne peut s’empêcher de penser au pire, à de nouveaux massacres, comme ceux d’octobre 1993, à une guerre civile ou à un coup d’Etat militaire. Ou encore, qui sait, une émeute, un  pillage généralisé… Du coup, la vie tourne au ralenti. Parfois quelqu’un dit tout  haut ce que tout le monde pense tout bas, et prononce à son tour cette formule qui résume si parfaitement la situation : « À quoi bon ? » Oui, à quoi bon s’engager dans des projets, dans des recherches, à quoi bon entreprendre des  affaires, si tout doit s’arrêter demain ? Personne n’a oublié l’embargo qui a suivi les tirs de mitraillette sur l’Airbus de la Sabena en décembre 2000.

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