Extrait :

En septembre 2009, la rencontre d’un enfant hors du commun m’a forcé à

réviser mes idées sur l’apprentissage. J’étais en visite à l’hôpital Sarah de

Brasilia, un centre de soins à l’architecture blanche inspirée d’Oscar Niemeyer,

dédié à la rééducation neurologique et avec qui mon laboratoire collabore depuis

une dizaine d’années. Sa directrice, Lucia Braga, me propose de rencontrer l’un

de ses patients : Felipe, un gamin de 7 ans, dont la moitié passée à l’hôpital. Elle

m’explique que cet enfant, à 4 ans, a reçu une balle perdue (ce qui n’est hélas

pas rare au Brésil). Le projectile lui a sectionné la moelle épinière : il est presque

totalement paralysé des quatre membres (tétraparétique). La balle a également

fauché les aires visuelles du cortex : il est aveugle. Pour l’aider à respirer, une

ouverture a été pratiquée dans sa trachée à la base du cou. Et depuis trois ans, il

habite une chambre d’hôpital, enfermé dans le cercueil de son corps inerte.

Dans le couloir qui mène à sa chambre, je me prépare mentalement à

découvrir un grand handicapé. Et je rencontre… Felipe, un petit garçon comme

tous les enfants de 7 ans, au visage plein de vie, bavard, curieux de tout. Il parle

à la perfection, avec un vocabulaire riche, et me questionne avec espièglerie sur

les mots du français. J’apprends qu’il est passionné par les langues et qu’il ne

manque jamais une occasion d’enrichir son vocabulaire trilingue (portugais,

anglais et espagnol). Bien qu’il soit aveugle et cloué au lit, il s’évade en écrivant

des contes.

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