Extrait :

« J’étais avec mère Teresa quand elle t’a récupéré », me souffle sœur Josian Joseph en levant le nez du registre. Trente-quatre ans après, elle n’a pas de souvenirs précis de ce jour ni du bébé que j’étais, mais sa signature atteste là, sous nos yeux, que c’était bien elle. Comme souvent le matin, elles devaient partir faire leur tournée dans les environs, peut-être même jusqu’à la décharge pour porter leur aide aux plus démunis. Et revenir parfois avec un enfant dans les bras.

« Regarde », ajoute sœur Josian Joseph tandis que le père Rupesh me traduit. « Le jour où on t’a retrouvé, tu portais une ficelle autour du cou avec un bout de papier. Et dessus, il y avait un nom : “Robin”. » Ma mère, mes parents m’avaient donc donné un nom…

— Et sur ton poignet, il y avait une date écrite au stylo : 9 septembre 1982. Avec, juste au-dessus : « Subhadra. »

« Subhadra » ?

Ça veut dire « la bonne mère » en hindi.

« La bonne mère »… Le nom de ma mère ? Ou le patronage sous lequel elle avait voulu me placer ? J’apprendrai plus tard que « Subhadra » veut aussi dire « glorieuse » ou « chanceuse ». Ce qui signifie que ma mère savait écrire… À moins qu’on l’ait fait pour elle ? Je ne le saurai jamais. Mais ce que je sais maintenant, c’est qu’elle avait laissé une trace d’elle sur moi. Et qu’elle m’avait donné un nom, « Robin », qu’il ait été écrit en hindi, ou en anglais comme ici sur le registre. Par ce nom, elle reconnaissait délibérément mon existence.

Ainsi ne m’avait-elle pas abandonné.

Elle aurait pu me déposer ailleurs, dans un autre lieu, le fallut-il dans une autre poubelle, mais elle a choisi de le faire juste devant l’orphelinat des Missionnaires de la Charité. Dans son geste désespéré, elle a donc induit un espoir, l’espoir que je serais sauvé. Car si l’abandon doit être un délaissement, je choisis, moi, de ne retenir qu’une chose

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