Extrait :

Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le

nom, le beau nom grave de tristesse. C’est un sentiment si complet, si égoïste que j’en ai

presque honte alors que la tristesse m’a toujours paru honorable. Je ne la connaissais pas, elle, mais l’ennui, le regret, plus rarement le remords. Aujourd’hui, quelque chose se

replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres.

Cet été-là, j’avais dix-sept ans et j’étais parfaitement heureuse. Les «autres » étaient

mon père et Elsa, sa maîtresse. Il me faut tout de suite expliquer cette situation qui peut

paraître fausse. Mon père avait quarante ans, il était veuf depuis quinze ; c’était un

homme jeune, plein de vitalité, de possibilités, et, à ma sortie de pension, deux ans plus

tôt, je n’avais pas pu ne pas comprendre qu’il vécût avec une femme. J’avais moins vite

admis qu’il en changeât tous les six mois ! Mais bientôt sa séduction, cette vie nouvelle et

facile, mes dispositions m’y amenèrent. C’était un homme léger, habile en affaires,

toujours curieux et vite lassé, et qui plaisait aux femmes. Je n’eus aucun mal à l’aimer, et

tendrement, car il était bon, généreux, gai, et plein d’affection pour moi. Je n’imagine pas

de meilleur ami ni de plus distrayant.

Françoise SAGAN BONJOUR TRISTESSE
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